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Front Populaire Ivoirien (Fpi) : interpelle Ouattara sur son intention ‘’de violer la constitution’’

Front Populaire Ivoirien (Fpi) : interpelle Ouattara sur son intention ‘’de violer la constitution’’

13 juin 2018 0 Par Jean Claude Deli

Déclaration liminaire à la conférence de
presse sur la révision de la liste électorale

 

Mesdames et Messieurs les Journalistes,
Chers amis des Médias,

Au nom du Front Populaire Ivoirien (FPI), je voudrais vous remercier d’avoir répondu, ce jour, à notre appel. Nous vous avons conviés à cette rencontre d’échanges, pour parler, encore une fois, de cette lutte particulière du peuple ivoirien entamée depuis 2011, au lendemain donc de la guerre postélectorale, en vue de la réforme de la Commission électorale indépendante (CEI). Cette exigence démocratique, vous le savez aujourd’hui, cristallise tous les débats au sein de l’ensemble des partis politiques, des Organisations de défense des Droits humains et des Organisations de la Société civile ivoirienne. Ce débat vital pour la paix sociale dans notre pays vient d’être relancé, visiblement pour préparer les élections municipales et régionales qu’on veut braquer, à travers la décision unilatérale de M. Alassane Ouattara et son régime, contre le bon sens et contre la volonté de la quasi-totalité de la classe sociale et politique intéressée par la question électorale en Côte d’Ivoire.

De quoi s’agit-il ?

Sur proposition de la CEI, le Conseil des ministres du mercredi 16 mai 2018 a annoncé la révision de la liste électorale pour la période du 15 au 24 juin 2018. Cette opération électorale est le premier maillon du processus électoral. Elle doit aboutir, en principe, à l’établissement d’une liste électorale, premier maillon du processus électoral que tous souhaitent juste et transparent. Pour que cela soit, cette liste électorale doit être établie de manière consensuelle. Mais il est clair aussi que ce consensus ne peut être construit qu’autour de l’Institution nationale chargée de l’élection, à savoir la Commission électorale indépendante.
Or, depuis avril 2011, avec le renversement du pouvoir du président Laurent Gbagbo par la guerre, le consensus établi en 2010 autour de la CEI est rompu. Aussi, pour y remédier, le FPI, à travers sa direction intérimaire d’alors, présidée par feu le camarade président Sylvain Miaka Ouretto – paix à son âme -, a-t-il déposée sur la table de M. Alassane Ouattara, un mémorandum contenant, entre autres sujets, le dialogue pour la réconciliation, la paix et la cohésion sociale, mais surtout des propositions très claires pour une réforme consensuelle de la CEI. Mais c’est avec mépris et arrogance que le régime Ouattara a opté pour le passage en force : il a adopté, contre tout bon sens, la loi n°2014-335 du 18 juin 2014 portant Organisation et Fonctionnement de la CEI.
C’est ce mépris du consensus, par ce régime hautain, dictatorial et violent, qui oblige le FPI à boycotter, la mort dans l’âme, les élections, comme ce fut le cas aux Législatives 2011 et 2016, à la Présidentielle 2015 et aux Sénatoriales 2017. La dernière décision de M. Ouattara de confier, de nouveau, la révision de la liste électorale à la CEI inféodée à son régime, procède de ce passage en force auquel il nous soumet depuis 2011.
Et comme il fallait s’y attendre, la contestation qui allait crescendo depuis 2011 contre cette Commission électorale, vient d’atteindre un point culminant avec la décision unilatérale du 16 mai 2018. Depuis la publication de ce Communiqué méprisant et inacceptable du Conseil des ministres, nous assistons à une vaste et unanime levée de boucliers contre le maintien de cette CEI, dans sa composition actuelle.

Mesdames et Messieurs les journalistes,
Femmes et hommes de Médias,

Le mercredi 23 mai 2018, par une déclaration intitulée « Communiqué de presse relatif à la révision de la liste électorale annoncée, une opération expéditive, confiée à une Commission électorale indépendante (CEI) contestée ! », le Groupe de Plaidoyer et d’Actions pour une Transparence électorale (GPATE), une plateforme de sept (7) organisations de défense des Droits de l’Homme et de la Société civile constituée des associations baptisées APDH, MIDH, Amnesty International, ADJL-CI, ASSELCI, CIVIS-CI et RIDDEF, recommande au régime Ouattara de :

– « Procéder à la réforme de la CEI pour conformer sa composition et son fonctionnement aux engagements internationaux de la Côte d’Ivoire ;
– Suspendre toutes les opérations liées aux processus électoraux, jusqu’à la réforme de la CEI, qui devra être faite de façon consensuelle, c’est-à-dire, dans le dialogue et en concertation avec toute la classe politique, la société civile et les forces vives de la Nation ;
– Conformer toutes les opérations liées aux processus électoraux, y compris la révision des listes, aux dispositions des lois et règlements en vigueur ;
– Veiller à faire de la Côte d’Ivoire un Etat de droit et une démocratie dont les processus électoraux sont conduits de manière participative, consensuelle et transparente, ce qui sera le gage de la crédibilité des résultats, de leur acceptation par tous, et de la préservation de la fragile paix sociale » (La Voie Originale, édition spéciale n° 20 du 28 mai 2018).

Le vendredi 25 mai 2018, au cours d’un point de presse animé par son président, le Pr. Georges-Armand Ouégnin, la plateforme politique Ensemble pour la Démocratie et la Souveraineté (EDS), s’est déclarée « convaincue que la vraie opération d’enrôlement et toutes les autres opérations électorales interviendront dès que le cadre institutionnel et juridique des élections en Côte d’Ivoire sera reformé ». Le Pr. Ouégnin a lancé «un appel solennel à toute la classe politique, aux organisations de la société civile et à toutes les forces vives de la Nation, au rassemblement et à la mobilisation pour mener et gagner la bataille de la réforme en profondeur et consensuelle de la CEI et de tout le processus électoral, pour des élections transparentes, facteur de réconciliation et de paix véritable et durable dans notre pays ». Plus fermement encore, EDS demande à « tous les Ivoiriens, épris de paix, de justice, de liberté et de démocratie, de s’abstenir de prendre part, de quelque manière que ce soit, à ces opérations d’enrôlement auxquelles une institution illégale et illégitime, la CEI, les appelle ». Cette levée de boucliers contre l’actuelle CEI montre que le Front populaire ivoirien n’est plus seul.

Oui, chers amis, le combat du Parti fondé par le président Laurent Gbagbo pour défendre et protéger les intérêts du Peuple ivoirien tant persécuté, n’aura pas été vain. Aujourd’hui, la lutte engagée par le FPI pour une CEI légale, légitime et consensuelle est non seulement comprise, mais elle est désormais portée ouvertement par une très grande partie de la Communauté nationale et internationale. Pour rappels :

– Par sa Résolution 2062 du 26 juillet 2012, le Conseil de Sécurité de l’Organisation des Nations Unies (ONU) avait déjà recommandé « au Gouvernement ivoirien et à tous les acteurs politiques de veiller à ce que les prochaines élections soient ouvertes, transparentes, libres et régulières et se déroulent dans le calme, et à ce qu’elles favorisent la représentativité politique et la réconciliation, en choisissant une date opportune, en assurant la sécurité et en procédant aux réformes électorales utiles » ;
– L’Union africaine (UA), à travers la décision de la Cour africaine des Droits de l’Homme et des Peuples, prise le 18 novembre 2016, a déclaré « injuste et inacceptable que le pouvoir soit représenté dans la Commission par huit (8) représentants contre quatre (4) pour l’Opposition ». Cette Cour de justice africaine a précisé qu’en adoptant la loi contestée (loi n°2014-335 du 18 juin 2014) portant Organisation et fonctionnement de la CEI « l’Etat ivoirien défendeur a violé son obligation de créer un organe électoral indépendant et impartial, prévu par l’article 17 de la Charte africaine sur la Démocratie et l’article 3 du Protocole de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) sur la Démocratie ». Enfin, et par voie de conséquence, la Cour de justice africaine affirme que « l’Etat de Côte d’Ivoire a violé le droit des citoyens de participer librement à la direction des affaires publiques de leur pays ». Elle a enfin donné jusqu’au 17 novembre 2017 pour réformer la CEI. M. Ouattara et son régime, faut-il le souligner, ont fait appel de cette décision et ont perdu. Ils n’avaient pas d’autre choix que réformer la CEI ;
– Dans une déclaration produite à l’issue de son 3ème Atelier de Dialogue citoyen, le 17 avril 2018 sur le thème « Regards des organisations des droits de l’Homme sur les perspectives 2020 en Côte d’Ivoire : Crainte ou Espoir ? », la Convention de la Société civile ivoirienne (CSCI) faisait, entre autres recommandations au régime Ouattara, « l’instauration d’un dialogue social inclusif entre les acteurs sociaux et politiques pour la réforme de la Commission électorale indépendante »
– Enfin, Le FPI et tous les autres partis politiques de l’Opposition, y compris certains partis politiques ou groupes d’individus alliés du régime Ouattara, au sein de la coalition au pouvoir, exigent de nos jours, cette urgente réforme de la CEI.

Mesdames et Messieurs des Médias,

De tout ce précède, le constat est net que, depuis le 17 novembre 2017, la CEI de M. Ouattara est une organisation illégale, discréditée par une décision de justice internationale prononcée par l’Union africaine. Tous ceux, responsables de partis politiques et d’ONG, leaders d’opinion, qui appellent aujourd’hui leurs partisans à cautionner les actes de cette CEI illégale doivent comprendre qu’ils ont choisi d’accompagner Alassane Ouattara et son régime dans la violation du droit et des décisions de la Justice internationale. Ils le font, non pas dans l’intérêt supérieur de la Nation, comme on l’entend dire hypocritement ça et là, mais visiblement pour des objectifs bassement opportunistes, pour ne pas en dire plus. C’est leur choix, et nous leur souhaitons bons vents!
Pour sa part, le Front Populaire Ivoirien, dépositaire d’un pacte de confiance et de fidélité avec le digne Peuple de Côte d’Ivoire, refuse d’entrer dans ce jeu sordide d’intérêts de bas étage. Conforté donc par l’Arrêt judiciaire de la Cour africaine des Droits de l’Homme et des Peuples, par les recommandations du Conseil de Sécurité de l’ONU et par la levée unanime de boucliers des partis politiques, des organisations des Droits humains et de la Société civile ivoirienne, le FPI se propose plutôt de répondre positivement à l’appel de la Plateforme politique EDS « au rassemblement pour exiger et obtenir une CEI consensuelle », gage d’élections justes et transparentes en Côte d’Ivoire.

Déjà, comme première réaction à la décision du régime Ouattara de confier la révision de la liste électorale à cette CEI illégale, illégitime, discréditée et unanimement contestée, le Comité central du FPI, en sa session extraordinaire du samedi 26 mai 2018 élargie au Comité de contrôle, a «dénoncé vigoureusement ce énième passage en force du régime Ouattara et appelé ses militantes et militants, ses sympathisantes et sympathisants à se tenir mobilisés et prêts pour les mots d’ordre de la Direction en vue de faire barrage à cette décision inopportune et dangereuse pour la démocratie ». Mais, comme à son habitude, pour laisser une chance au dialogue et à la cohésion sociale déjà si fragilisée par la gestion catastrophique du régime, le Comité central du FPI a temporisé en invitant M. Alassane Ouattara à «ouvrir, sans délai, le dialogue avec tous les acteurs sociaux et politiques concernés par la question électorale ».

Chers amis des Médias,

Le FPI n’est pas dupe. Alassane Ouattara et son régime arrogant sont comme atteints d’un autisme profond et regrettable depuis leur accession au pouvoir par les bombes. Et les nouveaux éléments de l’actualité le démontrent aisément.

En effet, pendant que les organisations nationales et internationales lui demandent de préparer des élections ouvertes et sans violence ici et maintenant, M. Ouattara, dans une interview accordée à l’hebdomadaire Jeune Afrique du 4 au 11 juin 2018, a préféré déclarer que sa nouvelle Constitution personnelle imposée à la Côte d’Ivoire en 2016 lui permet, tenez-vous bien, de se présenter encore à l’élection présidentielle, dit-il, « pour un 3ème, voire un 4ème mandat à partir 2020 » ! Il n’a pas eu le courage d’ajouter que par la répétition du même stratagème, il se propose ainsi de demeurer Président à vie…
Pour le Front populaire ivoirien, cette déclaration est aussi la preuve que M. Ouattara est abonné à la violation des Constitutions :

– La Constitution du 2 août 2000 qu’il a trouvée en place prescrit de cesser de diriger un parti politique quand on est devenu chef de l’Etat. M. Ouattara continue à ce jour de diriger le RDR, son parti, le seul qui entretient une branche armée en Côte d’Ivoire ;
– Sa Constitution personnelle taillée sur mesure, pour lui-même, prescrit que pour installer le nouveau Sénat, il est obligatoire de requérir l’avis du président du Parlement et celui du Grand Médiateur. Ouattara a violé cette disposition de sa propre constitution sans consulter le Grand Médiateur qu’il n’a installé qu’après coup.

En ce qui concerne sa nouvelle, brusque et inopportune volonté de candidature qu’il sait inconstitutionnelle à tout point de vue, elle procède aussi d’une manœuvre bien claire : M. Ouattara cherche à créer un point de distraction pour détourner l’attention des démocrates ivoiriens et africains qui lui demandent de réformer la CEI, la seule priorité électorale qui vaille actuellement en Côte d’Ivoire. Il est en passe de réussir, puisque nombre de nos compatriotes font de cette idée d’un 3ème mandant anticonstitutionnel, inacceptable et irréalisable, un nouvel objet de débats.

Pour sa part, le FPI réaffirme que le seul débat politique utile dans notre pays, d’ici 2020, demeure et demeurera le combat sans répits pour la réforme de la Commission électorale indépendante (CEI), conformément à l’Arrêt de la Cour africaine des droits de l’Homme et des Peuples, à la Résolution de l’ONU et à la volonté de l’immense majorité des partis politiques ivoiriens et des organisations de défense des droits de l’Homme et de la Société civile ivoirienne.

Dans une telle situation, le FPI reste plus que jamais convaincu que pour se faire entendre et pour obtenir le dialogue tant souhaité en vue de la réforme consensuelle de la CEI, il va être contraint d’agir afin de donner un autre coup d’accélérateur à l’histoire.

Mesdames et Messieurs, Chers amis,

L’histoire de la construction démocratique en cours, dans notre pays, nous enseigne que les élections justes et transparentes sont la clé de voûte de la paix, préalable au développement dans nos jeunes Etats. Elles permettent de doter nos Etats d’institutions fortes, crédibles et légitimes. Or, chez nous, l’actuelle CEI chargée d’organiser ces élections est plus que jamais illégale, illégitime, discréditée et disqualifiée pour conduire un quelconque processus acceptable.

Ensemble, avec courage, nous devons engager la bataille du consensus national pour la réforme de la CEI et pour des élections transparentes, facteur de réconciliation, de paix et de cohésion sociale dans notre pays.

Au nom du Front populaire Ivoirien, je vous remercie.

Fait à Abidjan, le 13 juin 2018
Pour le Front populaire ivoirien
Koné Boubakar
Le Secrétaire général par intérim,
Porte-parole