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CPI: Les dernières pratiques souterraines de la Procureure Fatou Bensouda démasquées

CPI: Les dernières pratiques souterraines de la Procureure Fatou Bensouda démasquées

26 février 2020 0 Par Jean Claude Deli

Au moment où attend la libération totale de Gbagbo et de Blé Goudé , c’est là que Fatou Bensouda dépose en catimini un mémoire d’appel de 130 pages. Ce qui est au dessus de la norme . Cependant Me Altit demande simplement qu’à leur tour,  la défense réponde à ce memoire d’appel.

CPI : Requête de la Défense afin d’obtenir des pages additionnelles pour pouvoir répondre au mémoire d’appel de l’Accusation déposé le 15 octobre 2019 (ICC-02/11-01/15-1277-Conf).

I. Rappel de la procédure.
1. le 15 octobre 2019, le Procureur déposait son mémoire d’appel, comptant 130 pages (en excluant la page de garde et la page de notification), du Jugement d’acquittement en faveur de Laurent Gbagbo. Le Procureur précisait se fonder, pour déterminer le nombre de pages autorisées, sur la norme 63(3) du Règlement de la Cour, laquelle prévoit que « pour tout mémoire d’appel consolidé et pour toute réponse consolidée tels que visés à la disposition 1re, le nombre de pages n’excède pas cent, auquel il est ajouté au maximum quarante pages par personne condamnée ou acquittée supplémentaire ». Le Procureur estimait donc pouvoir déposer un mémoire comptant 140 pages.

2. Le 5 février 2020, la Chambre d’appel fixait à la Défense comme date pour répondre à ce mémoire d’appel le 6 mars 20202
.
II. Droit applicable.

3. La norme 59 du Règlement de la Cour prévoit que « La réponse [à un mémoire d’appel] n’excède pas cent pages ».
4. La norme 37(2) du Règlement de la Cour prévoit qu’une Chambre peut, « dans des
circonstances exceptionnelles, à la demande d’un participant, augmenter le nombre de pages
autorisé ». De telles circonstances sont appréciées par la jurisprudence en fonction
notamment de la complexité des questions posées4, de la multiplicité et de la variété des
arguments5, du caractère nouveau des questions et des arguments présentés aux Juges6
et de la nature fondamentale de la requête7

III.Discussion.

5. La présente procédure d’appel porte sur la question fondamentale de l’acquittement
de Laurent Gbagbo. Il est donc crucial que la Défense dispose de la place nécessaire pour
pouvoir répondre en détail aux arguments développés par l’Accusation dans son mémoire
d’appel. Il en va de l’équité de la procédure. Or, l’Accusation a abordé dans son mémoire
d’appel de très nombreux points de fait, de droit et de procédure et est revenue sur plusieurs
aspects du procès, long et complexe, qui aura duré deux années pleines ; elle est revenue
aussi en détail sur la procédure de « no case to answer » qui aura duré presque un an. Par
conséquent la Défense de Laurent Gbagbo demande respectueusement à la Chambre de lui permettre de déposer une réponse au mémoire d’appel du Procureur qui compterait au plus
130 pages, pour qu’elle soit mise sur un pied d’égalité avec le Procureur dans la présente
procédure et ce, pour les motifs suivants :

6. Premièrement, la Défense note que la logique qui a présidé à la rédaction de la norme 63(3) est la suivante : dans le cas de procès joints, permettre à l’Accusation de présenter des arguments applicables à l’ensemble des Accusés en cent pages et lui permettre en outre, en lui octroyant 40 pages supplémentaires, d’individualiser d’autres arguments qui ne seraient applicables qu’à un Accusé en particulier. Or ici le Procureur a consacré l’intégralité de son mémoire d’Appel à des arguments qui concernent les deux acquittés. Autrement dit, Laurent Gbagbo doit répondre à un mémoire de 130 pages. Pour le dire autrement encore, le
Procureur aurait déposé le même mémoire d’appel de 130 pages contre Laurent Gbagbo si ce
dernier avait été seul acquitté puisque les moyens d’appel portent sur la forme du rendu du
jugement et sur le standard d’administration de la preuve adopté par les Juges de la majorité lors de la procédure de « no case to answer ». C’est donc à l’ensemble des questions
soulevées par le Procureur dans les 130 pages de son mémoire d’appel que Laurent Gbagbo
doit répondre. Il paraît donc juste qu’il puisse y répondre dans le même espace de 130 pages.
De cette manière, le principe d’égalité des armes pourra être respecté.

7. Deuxièmement, la Défense note aussi que le Procureur a fréquemment, dans son
mémoire d’appel, contrairement aux exigences de la norme 36(3) du Règlement de la Cour qui prévoit que « les notes de bas de page ne comportent aucun argument de fond », présenté
dans ses notes de bas de page des explications ou des extraits de jurisprudence qui font
directement partie de ses arguments de fond. En effet, sans ces explications ou ces extraits djurisprudence, l’argument du Procureur développé dans le corps du texte, ne serait pas
compréhensible. Par exemple, c’est uniquement dans une note de bas de page (la note de bas
de page numéro 83) que le Procureur explique pourquoi la jurisprudence Ruto ne serait pas
applicable dans la présente affaire, point essentiel à son argumentation. Dans le même sens, dans la section qu’il consacre aux exemples factuels, le Procureur relègue souvent en note de bas de page les citations extraites des transcrits de témoins sur lesquels il se fonde pour remettre en cause les conclusions de la majorité (voir par exemple, les notes de bas de page numéro 354 et 364). Or, ces citations font partie intégrante des arguments de fond du
Procureur puisque sans elles, il est impossible de comprendre exactement ce que le Procureur
reproche aux Juges de la majorité. Si tous ces arguments de fond avaient été inclus dans le
corps du texte, en conformité avec la norme 36(3) du Règlement de la Cour, le mémoire
d’appel du Procureur aurait probablement compté plusieurs dizaines de pages supplémentaires, soit plus que les 140 pages autorisées.
8. Troisièmement, la Défense note en outre que le Procureur soulève dans son mémoire
d’appel des questions nouvelles et complexes qui n’ont jamais fait l’objet de discussions lors d’une procédure d’appel devant la Cour Pénale Internationale ; ainsi de la question du cadre juridique applicable au rendu d’une décision à l’issue d’une procédure de « no case to answer » et de la question du standard de preuve applicable lors d’une procédure de « no case to answer ».

9. Par ailleurs, le Procureur consacre près d’un tiers de son mémoire d’appel (43 pages)
à remettre en cause certaines des conclusions factuelles tirées par la majorité dans sa décision. Répondre au Procureur à propos de chacun de ces exemples exige de la Défense de devoir expliquer en détail et le raisonnement de la majorité et le raisonnement du Procureur puis d’analyser ces deux lignes de raisonnement. Donc, là où le Procureur se contente de renvoyer, en note de bas de page, à un élément de preuve ou à un témoignage pour étayer son raisonnement, la Défense doit consacrer plusieurs lignes ou paragraphes à 1) présenter la teneur de l’élément de preuve ou du témoignage et 2) expliquer en quoi cet élément de preuve ou ce témoignage ne peut soutenir le raisonnement du Procureur. Un tel exercice en réponse nécessite forcément plus de place que la simple mention de l’élément de preuve.

10. Enfin, le Procureur invite la Chambre d’appel à prononcer un « mistrial », remède nouveau qui n’a jamais été prononcé par une Chambre d’appel de la Cour pénale internationale. Il convient donc que la Défense puisse aussi discuter en détail de cette
demande formulée par l’Accusation.

11. Sur tous ces points, la Défense devrait pouvoir répondre dans le détail aux arguments
du Procureur, de façon à ce que la discussion soit la plus approfondie et contradictoire
possible et que la Chambre d’appel puisse prendre une décision éclairée.

12. Quatrièmement, la Défense attire l’attention de la Chambre d’appel sur le fait que la
traduction officielle française du mémoire d’appel du Procureur compte 157 pages (en
excluant la page de garde et la page de notification), soit 17 pages de plus que les 140 pages
autorisées par le Règlement de la Cour. La différence entre la version anglaise et la version
française du mémoire d’appel s’explique par les différences de construction de la langue
anglaise et de la langue française, cette dernière exigeant plus de place pour préciser la pensée du rédacteur. Cette différence est théorisée par les spécialistes sous la notion de « foisonnement », bien connue des traducteurs, définie comme « la proligération de mots en surnombre, c’est l’augmentation de volume de texte d’arrivée par rapport au texte de départ ». Ce foisonnement, dans le contexte de traduction de l’anglais vers le français, a été évalué par la Société française des traducteurs à 25%9. Autrement dit le même texte est en français 25% plus volumineux qu’en anglais. D’autres sources indiquent même un taux de foisonnement de 30%10. Dans ces conditions, dans la mesure où la langue de travail de la Défense est le français, il serait équitable – puisqu’à l’évidence la Chambre d’appel ne va pas, à ce stade de la procédure, exiger du Procureur qu’il réduise la version française de son mémoire d’appel – que la Chambre d’appel prenne à tout le moins en compte ce facteur dans
l’évaluation du nombre de pages nécessaires à la Défense pour répondre au mémoire d’appel
du Procureur.

PAR CES MOTIFS, PLAISE À LA CHAMBRE D’APPEL, DE:

– Autoriser la Défense de Laurent Gbagbo à déposer une réponse au mémoire d’appel du Procureur qui compterait au plus 130 pages.
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Emmanuel Altit
Conseil Principal de Laurent Gbagbo
Fait le 26 février 2020 à La Haye, Pays-Bas